Et le diable a surgi

La vraie vie de Robert Johnson

Je viens de finir l’ouvrage de B. Conforth et G.D. Wardlow sous titré « la vraie vie de Robert Johnson ». Encore un livre sur la vie du légendaire bluesman vous direz-vous.

Après avoir vu plusieurs films, lu entre autre les excellents livres « à la recherche de R Johnson » de P Guralnick, « Escaping the Delta » de E. Wald, « Mystery train » de G. Marcus qui comporte un chapitre sur R. J. et vu la plupart des films sur Robert Leroy J., que pouvons nous espérer apprendre de plus ? Le livre terminé laisse une impression étrange.

Alors oui, l’enquête est menée de manière policière, chaque affirmation est étayée d’une citation de source, les auteurs ont reconstitué sa vie de sa naissance à sa mort 27 années plus tard après 50 années de recherche sur le terrain, à la quête de toute personne l’ayant rencontré, ou ayant connu des personnes qui l’ont côtoyé. Les pièces historiques son jointes : actes d’état civil, recensement, photographies…

Ce qu’il reste :

  • Une description sociologique des conditions de vie des noirs dans cette région du fameux delta dans le Missisipi (l’état), qu’on confond souvent avec le Delta du Mississipi (le fleuve). Cette région du sud profond était certainement celle où la vie était le plus difficile pour eux avec le risque permanent de lynchage, notamment pour un musicien jouant la musique du diable, rejeté par le les blancs évidemment mais aussi par une grande partie de sa communauté. La reconstitution des conditions de vie des musiciens itinérants est campée avec avec une précision quasi anthropologique et insiste sur les liens entre le hoodoo (vaudoo) et le premier blues rural
  • La confirmation que R. Johnson avait une personnalité hors du commun. Les auteurs ne font rien d’ailleurs pour nous le montrer sous un jour sympathique, la musique étant sa seule raison de vivre et la seule chose qui donne une sens à sa vie, l’autre versant étant sa vie « sentimentale » boulimique qui va le mener à sa perte.
  • le récit passionnant et très détaillé des sessions d’enregistrement à San Antonio puis Dallas avec les descriptions des 29 morceaux de légende.
  • La déconstruction de certains mythes issus de témoignages a posteriori, notamment ceux de Son House et la construction marketing de sa légende par J. Hammond, sans laquelle d’ailleurs on peut penser qu’on n’aurait pas connu le revival des années 60. Il propulse B. B. Broonzy comme représentant du blues rural monté de toute pièce pour jouer au fameux concert au Carnegie Hall qui aurait dû être la consécration de R. Johnson. Ce qu’il ne saura jamais. On ne peut s’empêcher de jouer au jeu du « que ce serait-il passé si » la personne qui devait lui annoncer qu’il allait jouer à New York l’avait trouvé quelques jours avant qu’il n’ait bu ce Bourbon aromatisé à la Naphtaline concocté par le mari trompé (et oui ! on a aussi la confirmation du scenario de sa mort)

Mais il restera toujours une part de mystère et on peut penser maintenant qu’elle le restera à jamais. Comment s’est il transformé, d’un musicien itinérant parmi d’autres en, en ce guitariste qui arrive à Robinsonville en 1931 devant Son House et Willie Brown qui vont rester médusés comme l’assemblée par sa technique guitaristique, son originalité et l’intensité de son interprétation. Cette transformation ne peut venir des seules leçons de son mentor, Ike Zimmerman (qu’on n’entendra jamais car il n’a jamais enregistré) !

On n’arrêtera donc pas d’épiloguer sur cette part d’inconnu qui pourra continuer à alimenter la légende du carrefour des Highway 49 et 61 et de ce qui a pu s’y produire.

D’ailleurs les auteurs nous font remarquer qu’à y regarder de plus près, contrairement à ce qu’on lit parfois, il n’y est pas question de diable mais de dieu dans les paroles de Crossroad Blues (le diable apparaîtra ailleurs)

I went to the crossroads, fell down on my knees
Je suis allé au carrefour, je suis tombé à genoux
Asked the Lord above, have mercy now, save poor Bob if you please
J’ai demandé au Seigneur là haut, ayez pitié maintenant, sauvez ce pauvre Bob s’il vous plaît

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